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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/292

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LE CALUMET DU SACHEM. — LA PRAIRIE[1]


Le dernier des chefs Sagamores peut faire pendant au dernier des Maourys : dressant son torse tatoué d’ocre et de vermillon, lui aussi est comparé à une Idole ; lui aussi a vu sa race décimée par le tonnerre des blancs.

Il est assis contre le tronc géant d’un sycomore, le cou roide, les yeux clos, une plume d’ara au sommet du crâne, fumant son calumet. Autour de lui se développe l’incomparable décor de la forêt paternelle : les cèdres, les pins, les hêtres


Haussent de toutes parts avec rigidité
La noble ascension de leurs troncs vénérables
Jusqu’aux dômes feuillus, chauds des feux de l’été.


C’est midi. Toute la nature est assoupie : les grands élans, couchés parmi les cyprès,


Sur leurs dos musculeux renversent leurs cols lourds ;


les panthères, les loups, les couguars, les ours, repus, se sont tapis dans leurs antres ; les écureuils dorment ; les singes noirs, pendus par la queue aux branches qui ploient,


Laissent inertement aller leurs maigres bras.


Qu’est-ce que fait là le Sachem ? Ses guerriers, dispersés par l’exil, errent dans la prairie par de là le fleuve immense où boivent les bisons. Seul, très vieux, semblable à l’aigle,


  1. Poèmes tragiques, XXXII ; Derniers Poèmes, XIV.