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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/31

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infestent la forêt des anachorètes, le brisement de l’arc, que faut-il penser d’une ingéniosité qui a complètement bouleversé l’ordre des faits ? Car dans le Ramayana l’exil du héros est postérieur à son mariage, et chez Leconte de Lisle il lui devient antérieur. Dans le Ramayana Laksmana partage spontanément et dès la première heure l’exil de son frère : chez Leconte de Lisle il ne va le rejoindre que sur l’ordre du roi. Dans le Ramayana l’exil de Rama ne prend fin qu’au bout des quatorze ans fixés, et jamais le jeune homme ne revoit le vieux roi Daçaratha : chez Leconte de Lisle le père rappelle son fils au bout de trois jours et le revoit bientôt, glorieux et marié. Est-ce que toutes ces modifications ne portent pas atteinte, non seulement à la chronologie de la légende, telle que nous la raconte Valmiki, mais, ce qui est bien plus grave, à son esprit ? Est-ce qu’elles ne tarissent pas en partie les sources du pathétique ?

Mais Leconte de Lisle, tout en prenant les faits dans le Ramayana, a eu sans doute d’autres intentions que de faire revivre dans son Arc de Civa l’esprit de l’épopée de Valmiki.

Un bel épisode de son poème, et dont on chercherait vainement la source dans le Ramayana, nous montre Laksmana demandant en vain des nouvelles de son frère aux laboureurs, aux filles, aux chasseurs, aux anachorètes. — Avez-vous vu Rama ? — Non ! répondent-ils à l’envi. — Non ! nous étions courbés sur le sol. — Non ! nous lavions nos corps dans la rivière. — Non ! nous percions de nos traits les daims et les gazelles. —