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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/325

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la punira, qu’importe ! ayant voulu le mal, elle sera légitimement frappée ; elle préfère la mort à l’opprobre.

Ainsi un moment de lâcheté ne sert pour ainsi dire qu’à raviver chez Créuse la haine de la laideur morale, et cette héroïne d’Euripide se trouve vite transformée, par une métamorphose bien singulière, en héroïne de Corneille. On sent combien la pièce se vide de son pathétique à mesure que le personnage se dépouille de ses rancunes, de ses jalousies, de son esprit de vengeance. Mais, puisque le drame devenait l’apothéose du génie grec, représenté par Ion, la mère d’Ion ne pouvait plus, sans danger pour la thèse, rester cette malheureuse femme que la passion possède et dirige.

Leconte de Lisle n’a donc pas imité servilement l’Ion d’Euripide ; il a fait une pièce assez nouvelle. On aurait tort de dire cependant qu’il n’a pas trouvé dans Ion l’idée générale qui soutient l’Apollonide ; car, pour le poète grec, lui aussi, Ion est déjà parfois le symbole du génie attique. On serait moins juste encore en tenant les deux poèmes en même estime. Si intéressante qu’elle soit, en effet, l’idée de Leconte de Lisle ne se manifeste pas toujours avec une, clarté suffisante, et il reste dans sa pièce trop de scènes ou de morceaux qui ne pouvaient avoir de sens que si le sujet était resté ce qu’il était chez Euripide.


Les Érinnyes[1]


Leconte de Lisle n’a pas plus voulu faire de l’Eschyle


  1. Poèmes tragiques, XXXIX.