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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/328

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Ce vers


La soif du sang me brûle et le destin m’entraîne


résume assez bien la psychologie des héros de Leconte de Lisle. En rendant aux Hellènes préhistoriques leur barbarie sauvage et surtout leur soif du sang, le poète explique en effet leur barbarie par le destin.

Le destin ! c’est aussi un mot que prononce Eschyle. Mais chez Leconte de Lisle le mot prend un sens tout nouveau, que bien des passages indiquent très clairement. Le destin qui entraîne irrésistiblement ces hommes et ces femmes au meurtre n’est plus une divinité indépendante d’eux, c’est une puissance qu’ils portent avec eux et en eux, qui est dans leur moelle et dans leur sang, et cette puissance, c’est tout ce que nous appelons du nom d’atavisme : Agamemnon tue parce que son père a tué ; et, parce que ses parents ont tué, Oreste tuera à son tour. Et cette passion homicide, héritée des parents, reçue d’eux avec la vie même, est encore avivée par une influence extrêmement puissante sur les barbares, comme sur les enfants, l’influence des lieux. Quand ils ne seraient pas poussés à se gorger de sang par l’instinct héréditaire, ils y seraient encore poussés par les souvenirs qui s’éveillent à chaque pas qu’ils font dans ce palais, « antre fatal aux siens », comme dit Cassandre, « sombre repaire de meurtres »,


Nid d’oiseaux carnassiers gorgés, mais non repus.


C’est ainsi que les Érinnyes de Leconte de Lisle nous offrent dans un décor très ancien des actes d’une sauva-