Aller au contenu

Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettré devait partager à sa suite pendant fort longtemps. Quand, après tant d’autres, après Ronsard et après Gœthe, pour nommer seulement deux des plus grands, l’auteur des Poèmes antiques s’inspira à son tour de ces odelettes fameuses, la critique avait déjà dissipé l’erreur. Elle avait établi que la fabrication des pièces dites anacréontiques, commencée probablement à l’époque alexandrine, se fit surtout à l’époque romaine et byzantine. Mais Leconte de Lisle savait bien aussi qu’en dépit de la sécheresse du style et des fautes de versification les petits poèmes recueillis dans le manuscrit du Xe siècle n’en sont pas moins dans le goût du véritable Anacréon et que quelques-uns dans le nombre sont tout à fait charmants.

C’est, naturellement, de ceux-ci qu’il s’est emparé, et ils ne sont pas sortis de sa main sans en recevoir une grâce nouvelle ; car ce qui leur manquait dans le modèle, c’était la poésie du détail, et personne plus que Leconte de Lisle n’était capable de les en doter :

Sur une coupe d’argent.

Héphaistos, en ciselant cet argent, ne me fais pas une panoplie ; car, que m’importe la guerre ? Mais une coupe aussi profonde que tu le pourras.

N’y grave ni les astres, ni le Chariot, ni le triste Oriôn ; que me font les Péléiades et le brillant Bouvier ? Mais une vigne et ses rameaux, et des grappes que foulent, avec le beau Lyaios, Érôs et Bathyllos.


Fais plutôt Bakkhos, fils de Zeus, enseignant ses mystères, ou Kypris menant le chœur des jeunes Hyménées[1].


  1. Traduction Leconte de Lisle ; odes XVII et XVIII.