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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/356

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ces deux grands maîtres. Il les a égalés, ce n’est point contestable, et on doit l’admirer d’autant plus que, venant après eux, il ne les a pas répétés. Bien qu’il imite en général Moschus de beaucoup plus près que ne l’avait fait André Chénier, il le modifie et le complète. Au début de son poème, il décrit la naissance de l’aurore, — ce que n’avait point fait Moschus, — peut-être avec l’arrière-pensée de rappeler au lecteur le mythe scolaire, qui fut certainement la première origine de la légende[1]. Il donne aux deux héros, dans leur première rencontre, une attitude un peu nouvelle. Quand ses personnages sont au sein des flots, c’est le taureau qu’il s’attache surtout à décrire, tandis que ses prédécesseurs avaient peint de préférence la jeune fille :


Mais lui nageait toujours vers l’horizon sans bornes,
Refoulant du poitrail le poids des grandes Eaux
Sur qui resplendissait la pointe de ses cornes
À travers le brouillard qu’exhalaient ses naseaux.


Leconte de Lisle a donc en partie renouvelé les descriptions de Moschus et d’André Chénier, et je ne sais si là ne se sont pas bornés ses efforts.


  1. Ce dieu qui franchit la mer enlevant une blanche jeune fille, qui la franchit pour aller de Tyr en Crète, qu’est-il, sinon le soleil emportant avec lui la lumière de l’est à l’ouest ? Et si l’astre est devenu un taureau, ne savons-nous pas combien cette métamorphose est fréquente dans les mythes solaires ? Bien que le souvenir des origines du ravisseur d’Europe fût très obscurci à l’époque où Moschus composa son idylle, la physionomie dont le poète grec, se conformant à la tradition, a revêtu le taureau nous permet de reconnaître le soleil dans l’animal.