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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/75

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et c’est qu’il y ait tant d’humanité là où il y a cependant une couleur historique si intense et en général si juste.


BHAGAVAT[1].

Leconte de Lisle écrivait dans la Préface des Poèmes antiques : « Un dernier poème, Bhagavat, indique une voie nouvelle. On a essayé d’y reproduire, au sein de la nature excessive et mystérieuse de l’Inde, le caractère métaphysique et mystique des Ascètes visnuïtes, en insistant sur le lien étroit qui les rattache aux dogmes budhistes. » Le poète ne se vantait pas à tort : son Bhagavat est une œuvre très synthétique, et plus encore qu’il ne l’a dit. Ce qu’on y trouve, c’est non pas toute l’histoire de Visnou, mais une partie assez notable de cette histoire pour qu’on en comprenne bien les caractères essentiels, qui sont, en somme, ceux de la plupart des légendes populaires de l’Inde. Ce qu’on y trouve aussi, c’est la conception que la religion visnouite se fait du monde, de ses origines, de son unité : conception qui ne la distingue pas profondément des religions rivales, puisque les adorateurs de Visnou voient dans leur dieu, ce qu’en définitive les adorateurs de Civa et ceux de Brahma voient dans le leur, c’est-à-dire le Grand Tout. Ce qu’on trouve encore dans le poème de Bhagavat, c’est ce sentiment si vif de la misère humaine qui avait été la principale origine de la prédication du Budha et que le boudhisme, en disparaissant de l’Inde, a légué aux religions

  1. Poèmes antiques, III.