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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/82

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Nârada dit : Tu n’as pas suffisamment célébré la gloire sans tache de Bhagavat ; selon moi, la science qui n’a pas pour but de lui plaire est une science inutile.


Ainsi, de toutes ses études, de toute sa science, l’auteur du Bhagavata-Purana avoue qu’il a récolté seulement des tristesses, et son interlocuteur lui en fait connaître la cause : c’est que tout savoir purement humain est une simple vanité.

De Vyâsa à l’Angira de Leconte de Lisle il n’y a donc pas si loin, et l’on voit qu’aucun des personnages du poète ne lui appartient tout à fait en propre, puisque Vyâsa est au moins l’ébauche d’Angira, puisque certains anachorètes du Maha-Bharata sont les prototypes de Maitreva et qu’enfin l’histoire de Narada est empruntée, avec des retouches, au Bhagavata-Purana. L’originalité de Leconte de Lisle est d’avoir fait de ces trois héros des types beaucoup plus intéressants que ne sont leurs modèles ; elle est encore, elle est surtout, d’avoir fortement montré, en symbolisant dans ce trio de malheureux toutes les grandes douleurs humaines, que dans l’Inde, comme partout, la souffrance est le principal stimulant du sentiment religieux.


Aux confidences qu’échangent les trois sages, Leconte de Lisle fait succéder un brillant épisode.

La nuit formidable enveloppe les bois. Les oiseaux se taisent, les fauves s’éveillent ; les grands pythons rôdent dans l’herbe ; les panthères, par bonds musculeux et rapides, chassent les daims ; le tigre miaule. Les lotus entr’ouvrent leurs coupes transparentes ; mille mouches d’or étoilent la mousse d’or de leurs feux ; et les brahmanes pleurent, sen-