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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/86

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mant ; elle avait de jolies dents, elle était ornée de parures célestes, elle portait une robe d’un tissu délié, elle brillait d’une splendeur égale à celle d’une corolle de lotus[1].


C’est certainement de ces passages du Maha-Bharata que Leconte de Lisle s’est autorisé pour donner à Ganga les apparences d’une femme séduisante, après s’être autorisé d’un passage du Bhagavata-Purana pour en faire la protectrice qui facilite aux anachorètes l’accès du séjour délicieux où siège Bhagavat. Ces passages ne fournissaient d’ailleurs au poète que des indications : son imagination les a fécondées.

L’épisode ainsi composé ajoute-t-il beaucoup à l’intérêt humain du poème de Bhagavat ? On ne saurait l’affirmer, bien qu’il permette aux trois héros de répéter leurs plaintes touchantes. En revanche, il ajoute beaucoup à son intérêt historique puisqu’il donne au poète l’occasion de nous faire toucher du doigt la parenté des deux grandes mythologies aryennes, celle de l’Inde et celle de la Grèce. En voyant surgir des ondes la blanche déesse Ganga, qui ne croirait voir apparaître, en effet, une nymphe hellénique ? Ce n’est pourtant pas un personnage de l’lliade ; c’est un personnage du Maha-Bharata. Mais quoi d’étonnant si les imaginations où sont nées les légendes homériques et celles d’où sont sorties les légendes du Maha-Bharata ont produit parfois, étant de même famille, des mythes analogues ?

Après nous avoir montré combien les conceptions de l’Inde peuvent être voisines des conceptions de la Grèce,


  1. Maha-Bharata, trad. Fauche, t. I, p. 416.