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chanter l’histoire du Dieu suprême ; mais l’auteur du Bhagavata-Purana ne répète pas ici cette histoire, l’ayant contée déjà, plutôt trop souvent. Le poète français, lui, peut la mettre sur les lèvres des musiciens célestes.

Il ne la met pas tout entière : elle est pour cela beaucoup trop longue. Il n’en conserve que trois épisodes, mais parfaitement bien choisis pour que l’intérêt soit gradué et pour qu’on ait une idée de la variété des incarnations de Visnou.

Dans le premier, il nous fait voir le dieu incarné en animal et sauvant la terre. Son récit n’est qu’un brillant résumé, et souvent qu’une traduction, de celui qui est fait par l’auteur du Bhagavata-Purana dans un chapitre intitulé : Visnou soulève la terre du fond de l’Océan[1].

Un déluge avait englouti la terre à peine née. Brahma, le créateur, se demandait comment il la tirerait du fond des eaux. Pendant qu’il réfléchissait, il sortit tout à coup de la cavité de son nez un petit sanglier de la longueur du pouce. Au moment où Brahma le regardait, l’animal, qui se tenait suspendu dans l’air, acquit en un instant la taille d’un éléphant ; « et ce fut là, ajoute naïvement le narrateur, un grand prodige. » Brahma se demandait quel était cet être divin, déguisé en sanglier, si ce n’était pas Bhagavat lui-même. C’était bien lui. Pendant que Brahma réfléchissait ainsi, « le mâle du sacrifice, semblable au Roi des montagnes (le lion), se mit à rugir ». Tous les échos répétèrent ses rugissements.


  1. Liv. III, ch. XIII, trad. Burnouf, t. I, p. 397.