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Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 8.djvu/140

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son ost se mistrent droit à la voie pour aler vers les mons de Pirenne[1]. Adonc se conseillierent les barons par où il pourroient plus legierement passer les montaignes et au moins de peril ; car les montaignes estoient si hautes qu’il sembloit qu’il tenissent au ciel ; ne au pas de l’Escluse[2] ne pooient riens faire, ne passer, qui estoit le droit chemin qui peust entrer enz. Mais les Arragonnois avoient mis au devant tonniaux touz plains de sablon et de gravelle, et de grosses pierres, si que en nulle maniere, les gens n’i pooient passer fors que en peril de mort. Et avec tout ce, ceulz d’Arragon avoient leurs tentes et leurs paveillons sus les montaignes, dont il porent veoir apertement l’ost des François de toutes pars, et cuidoient bien que les François deussent passer par ce pas de l’Escluse qui tant estoit perilleus[3]. Si comme il estoient en grant pensée qu’il feroient, le devant dit bastart[4] dist qu’il savoit i passage loing du pas de l’Escluse par où tout l’ost pourroit seurement passer sanz nul peril. Le roy le sot ; si fist faire samblant à sa gent comme s’il vousissent passer par le pas, si que ceulz d’Arragon qui estoient sus les montaignes les peussent veoir. Le roy

  1. Du 3 au 6 juin l’armée de Philippe le Hardi campa près d’Elne, à Palau-del-Vidre, Pyrénées-Orientales, arr. de Céret, cant. d’Argelès (Langlois, op. cit., p. 157 ; Lecoy de la Marche, op. cit., t. I, p. 243, et Hist. de Languedoc, n. éd., t. IX, p. 106).
  2. Le pas de l’Écluse (arr. et cant. de Céret), situé entre le Boulou et Bellegarde (comm. de l’Écluse), est dominé par le col de Panissars. Sur le passage des Pyrénées par Philippe le Hardi, voir Lecoy de la Marche, op. cit., p. 238 à 244, et Hist. de Languedoc, t. IX, p. 107, note 1.
  3. Le 7 ou le 8 juin, les Français tentèrent de franchir le col de Panissars (Langlois, op. cit., p. 157, et Hist. de Languedoc, t. IX, p. 108, note 4).
  4. « Qui captus apud Januam fuerat » (G. de Nangis).