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Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 8.djvu/203

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leur oncle, messire Jehan, qui escrut et efforça moult et eulz et leur gent ; car par ycelui reçurent abandon villes et chastiaux pluseurs ; lequel Jehan, comme folement, après alast sus les anemis, si fu pris. Aufour, le sien neveu noble et gentil, ne le pot autrement ravoir, se toutes les choses qu’il avoit conquises ne rendist et restablist. Et lors, par la grant liberalité et franchise de son cuer trait et demené, pour ycelui rendi tout, estimant greigneurs estre les richesces d’amis que avoir des choses de ce monde escoulouriables[1] et deffaillables copie[2] ne habondance. Lequel Jehan, le vice d’ingratitude encourant, s’en vint droit à ses anemis, et le royaume de Legions qu’il prist du don son neveu rendi aus anemis. Ainsi adonques Aufour, quant il ot toutes ces choses perdues, par son grant courage, seurmontant toutes choses adverses, en ramenant à memoire le très haut linage des rois de France dont il estoit descendu, comme il n’eust ville ne chastel où il trouvast retour[3], lors, contre l’opinion des siens qui conseil li avoient donné de retourner en France ou en Arragon, aus champs devant i chastel se mist et arresta, et fist tendre ses très et fichier ses tentes, miex voulant, pour droit et pour justice et son droit requerant, mourir que retorner sans honneur et sanz victoire. Lequel, le seigneur du chastel, apercevant sa sagesse, li et sa gent, par sa pitié entroduit et mena en son chastel, par l’aide duquel, Aufour, après ce fist moult de dommages à ses anemis.[4]Et ende-

  1. Escoulouriables, glissantes. Latin : « rerum labentium ».
  2. Copie, jouissance. Latin : « copia ».
  3. Retour, asile. Latin : « ubi diverteret ».
  4. G. de Nangis (éd. Géraud, p. 293).