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Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 9.djvu/294

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ville de Lannuon, tant que ceulz de laditte ville, par plusseurs foiz estoient issuz de leur garnison pour euiz combatre en plain champ aus Anglois et avoient eu plusseurs victoires contre eulz ; si avint qu’il ot ii traitres principaux en celle ville qui estoient nommez Henri Squiguit et Prigent Alloue, escuiers, as quiex les Anglois vindrent parler i dimenche avant l’aube du jour, pour ce qu’il devoient guettier celle nuit. Et par le conseil et la traïson de ces ii faux traitres, les Anglois entrerent en la ville de Lannuon ; si pristrent plusseurs riches hommes et de grans richesces, et plusseurs autres mistrent à mort et tuerent. Et quant monseigneur Geffroy de Pontblanc[1] chevalier, qui à celle heure estoit couchié tout nu en son lit, oy dire que la ville estoit ainsi traye et que les anemis estoient dedenz, si se leva et cria : « Aus armes », et s’en courut hastivement prendre ses armes, et n’oublia mie sa lance ne le glaive de ses ii mains, et issi hors de sa maison moult courageusement. Et quant il fu en la rue et il trouva les anemis, le premier et le secont qu’il encontra de sa lance il tresperça. Au tiers brisa sa lance et prist son glaive. Si feroit à destre et à senestre tellement que par sa vertu et par la force de ses bras, il recula tous les Anglois jusques au dehors de la rue. Et par le grant courage de lui, il yssi tout seul après eulz les persecutant hors de la rue en plaine place. Lors les Anglois le vont de toutes pars environner ; mais quant le noble chevalier vit ce, si mist son dos contre la paroy d’une maison et tourna le visage contre ses anemis, et se deffendoit si fort que

  1. Sur ce personnage et sa famille, voir Un oublié, Geoffroy de Pontblanc, par Ernest Rivière, Rennes, Fr. Simon, et Lannion, A. Anger, in-8o de 91 p.