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Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 9.djvu/322

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mouroit en la cité de Mes, il fu deceu par mauvais esperit, car il voult trayr la cité en laquelle il avoit esté né, et disoit que à Laon il avoit mauvaise gens. Si ot ledit Gauvain convenances aveques aucuns traitres du royaume[1], et commença à machiner comment il pourroit acomplir ce qu’il avoit entrepris et promis à faire. Si avint que un homme de Laon, lequel avoit à non Colin Trumelin, et estoit sueur[2], fu venu à si grant povreté que par honte il laissa la cité de Laon pour ce qu’il ne pooit paier ce qu’il devoit, et prist sa femme et ses enfans, et s’en ala à Mez, et yleques faisoit son mestier, et gaaignoit sa vie au miex qu’il pooit. Or avint que le devant dit Gauvain cognut ycelui Colin et li commença à enquerir dont il venoit et pourquoi il s’estoit parti de Laon ? lequel li respondi que povreté l’avoit chacié hors de Laon. Quant Gauvain ot ce oy, si li dist : « Se tu te veulz acorder à ce que je te diray et garder très secretement, soies certain que je te feray riche ne dès ore en avant tu n’auras nulle souffrete. » Si li acorda. Adonques Gauvain si li dist : « Pren ces lettres et les portes au roy d’Angleterre, et gardes que tu soies à moy à Rains la veille de Pasques et ne te doubtes, car je y serai. » Lors prist ledit Colin ces lettres et se parti, et commença moult à penser s’il acompliroit ce que l’en li avoit encharchié. Et quant il ot bien pensé, si ot avis en soy qu’il porteroit au roy de France lesdittes lettres, et ainsi le fist et les presenta au roy, esquelles lettres l’ordre et la ma-

  1. Un de ces traîtres était Jean de Vervins, seigneur de Bosmont ; cf. H. Moranvillé, La trahison de Jean de Vervins, dans Bibl. Éc. des chartes, t. LIII (1892), p. 604 à 611.
  2. Sueur, cordonnier.