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Page:Vibert - Pour lire en automobile, 1901.djvu/102

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ment de ses yeux, il avala fébrilement un petit verre de chartreuse et reprit :

— Au même moment la bête refermait brusquement ses deux valves, son colossal casse-noisettes, et mon ami poussa un cri, un seul que je n’oublirai jamais de ma vie ; je m’élançais et sans songer au danger je glissais mes deux-mains dans la fente pour ouvrir la valve supérieure. Elle continua à se fermer automatiquement et dix secondes plus tard j’avais, sauf le pouce et le petit doigt, les trois doigts du milieu de chaque main coupés net à la première phalange… Un mouvement d’horreur saisit l’assemblée qui ne riait plus quand Castagnat montra ses six doigts coupés. Il reprit en ces termes.

— Ayant laissé mes phalanges dans le bénitier, je courus chercher du secours. Lorsque nous revînmes, le bivalve de nouveau était ouvert, la tête de mon ami ne tenait plus au tronc que par un lambeau de chair sanguinolent. Un malgache s’avança et d’un coup sûr de sa machettes coupa le tendon, le grand ressort, comme le caoutchouc puissant qui permet à la bête de se contracter et fermer à volonté. Elle était morte. Nous l’emportâmes, elle ne pesait pas moins de 240 kilogrammes 353 grammes.

Hein, en voilà un bénitier de malheur dont je me suis souvenu. On fit des funérailles convenables à mon ami et nous envoyâmes le terrible tridacne géant et meurtrier bien emballé à sa famille, passage Hélène, à Batignolles.

Tout le monde, profondément secoué et émotionné, déclara que Castagnat avait bien mérité du club nautico-agricole et il fut décidé que l’on irait