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Page:Vibert - Pour lire en automobile, 1901.djvu/143

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oui, mon bon, et je poursuis. Il y avait déjà bien trois heures que nous naviguions sur le Nil, bleu comme le ciel de ces beaux pays, quand tout à coup mon maladroit de copain, debout dans la barque, tire un coup de fusil qui lui procure un coup de recul, il veut se rattraper, paf ! le voilà à l’eau, nous voulons venir à son secours, mais repaf ! nous voici tous tombés dans le bouillon avec la barque chavirée.

— Vite, gagnons la rive à la nage, crient nos deux Fellahs, en mauvais anglais, car les crocodiles ne vont pas tarder à nous couper en deux et à nous boulotter comme de vulgaires tranches de rosbeef.

Dare dare, nous fendons l’onde, puis crac ! un grand cri, un de nos Fellahs venait d’être happé par un crocodile, puis recrac ! un second grand cri, encore plus épatant que le premier. Cette fois, c’était mon copain qui était absorbé par un gros crocodile, quasiment long comme une baleine.

Impossible de leur porter secours, nous nageons de plus belle ; tout à coup je me sens caresser l’orteil gauche, ô surprise sans seconde, c’était un crocodile qui m’avait manqué et d’un simple coup de dent, m’avait enlevé un cor — pas de chasse — quel pédicure, mes enfants !…

— Tu blagues !

— Jamais de la vie, et nous abordâmes, le dernier ou le second Fellah, comme vous voudrez, et votre serviteur, le long de la rive.

Lorsque je fus un peu séché et remis de mes émotions, je me mis à pleurer comme un veau, en pensant au triste trépas de mon vieux camarade ; mais le