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lant de peur devant cet animal qui fonçait droit devant lui.

La bête, renversant tout sur son passage, descendit à fond de train le faubourg Saint Antoine, suivi de tous les gens de la ménagerie qui disaient :

« Pour sûr, il est parti à la recherche d’Aglaé ».

Arrivé à l’emplacement de la Colonne de Juillet, Alfred vit le grand éléphant de pierre et de plâtre et arriva pour se jeter sur lui, mais, reconnaissant vite son erreur, il se détourna, murmurant in-petto, longtemps avant la chanson : « Car il est en pierre, en pierre… » et il poursuivit sa course folle en enfilant la ligne des grands boulevards, Beaumarchais, des Filles-du-Calvaire, etc… ; deux minutes après, il était boulevard du Crime, là où tous les théâtres de Paris semblaient s’être donné rendez-vous.

Mais l’événement avait pris des proportions énormes ; cent mille personnes suivaient… de loin Alfred et l’excitaient encore de leurs clameurs. Les gardes nationaux à cheval ou à pied avaient été prévenir le Préfet de Police, le Roi, son auguste famille et la place Vendôme qui étaient dans des transes mortelles.

Enfin, à la hâte, au coin du Boulevard Poissonnière et du Boulevard Montmartre, le généralissime des gardes-nationaux en personne avait fait renverser cinq ou six citadines — les omnibus d’alors — deux gondoles, une Batignollaise et trois écossaises, si je suis bien renseigné — avec un certain nombre de cabriolets pour former une barricade improvisée.

Il était temps : dix minutes plus tard, Alfred, toujours à la recherche d’Aglaé, fonçait dessus, trompe