Aller au contenu

Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presser le ventre de l’homme, le regardant fixement. Je me tenais debout à la porte, contemplant ces deux tigres­ses. Quelques minutes après l’homme étant certainement mort, elles roulèrent le cadavre dans une couverture, le ficelèrent avec une corde et le portèrent à la sépulture avec des pleurs et des lamentations. La pneumonie ou inflammation des poumons emporte grand nombre de sauvages et très vite. Mal nourris et mal vêtus, exposés à un froid intense, ils n’offrent aucune résistance à la maladie : ils portent des chaussures de cuir souple ; quand il pleut ou quand il neige, ils marchent pieds nus, ne remettant leurs chaussures sèches que lorsqu’ils sont rentrés chez eux.


VI.

L’eau-de-vie.


Voilà plus d’un demi-siècle que les Indiens trafiquent avec les blancs et reçoivent en échange les objets qui leur sont nécessaires. Des Compagnies américaines remontaient les fleuves avec des barques chargées de provisions et d’objets curieux, ou venaient par terre sur des chariots attelés de bœufs et de chevaux ; ils abordaient les Indiens, échangeaient les marchandises, et retournaient aux États revendre les peaux avec de grands profits. Malheureuse­ment ces blancs étaient presque tous des aventuriers, gens sans scrupules et sans conscience, et ils introduisirent dans le pays l’eau-de-vie. Les Indiens, habitués à satis­faire toutes leurs passions, après avoir goûté la liqueur, furent incapables de se modérer ; tant qu’ils avaient en­vie de boire, ils buvaient ; il s’ensuivait des orgies ef­frayantes et même des meurtres quand une bande était