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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/182

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XII.

La chevelure d’un Corbeau.


Pour mesurer un objet, les sauvages prennent un bâton, serrent entre leurs doigts l’extrémité inférieure et comptent : un ; puis par-dessus ils appliquent l’autre main et comptent : deux, et ainsi de suite. D’autre part, ils sont très fiers de leur chevelure ; plus elle est longue et épaisse, plus ils l’apprécient.

Il y avait chez les Corbeaux un chef dont la chevelure ne cessait de croître ; et il aimait à répéter que lorsqu’elle aurait cent mains de long, il mourrait. Or, quand il mourut, on mesura sa chevelure, elle avait précisément cent mains de longueur. Ses parents la coupèrent et la gardèrent précieusement comme un trésor et comme un remède tout-puissant. Tous les Corbeaux connaissent ce fait ; ils en parlent souvent et nomment la personne qui possède ce joyau. Un jour que je me trouvais chez le possesseur de cet objet merveilleux, je le priai de me le montrer. Le bon vieux, tout heureux, prit un paquet accroché à une perche, le posa par terre et l’ouvrant avec précaution me dit : « Les cheveux avaient cent mains de longueur, mais j’en ai coupé vingt-cinq pour les donner à quelques amis partant en guerre ; de sorte qu’il ne m’en reste plus que soixante-quinze. — Soixante-quinze, répliquai-je, c’est une belle longueur. » Il déploya la chevelure sous mes yeux ; elle ressemblait à une longue corde non tressée ; les cheveux étaient liés ensemble et collés de distance en distance avec de la résine. La case était un peu obscure et je demandai la permission d’aller regarder la corde au grand jour. Je sortis, je pris la prétendue chevelure par un bout et me mis à l’examiner en