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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/198

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« Vois, si je m’arrache un poil, tu verras à son extrémité une sorte de racine ; ce n’est point une racine, mais un petit morceau de ma cervelle. Maintenant si je m’arrachais toute la barbe, je détruirais complètement ma cervelle, et je serais comme vous, sans barbe et sans cervelle. Les blancs ont de la barbe et fabriquent des fusils, des horloges, des machines à vapeur et font de la photographie. Vous n’avez pas de barbe et vous ne faites rien de tout cela. » Je lui rendis la pince et il s’en alla tout penaud.


XIX.

Une histoire d’ours.


Il y a quelques jours, un métis, nommé François Monroe, bon catholique, vint me trouver et me montra une statuette de la Sainte Vierge qu’il portait sur la poitrine. Elle était en porcelaine, haute d’environ 7 centimètres, enveloppée et cousue dans un sac de cuir, suspendu à son cou. « Cette statuette, dit François, m’a été donnée par mon père ; depuis 28 ans je la porte à mon cou et la garderai tant que je vivrai ; elle m’a toujours porté bonheur. Écoutez cette histoire. Il y a dix ans, une de mes filles mourut et j’étais bien affligé. Une nuit j’eus un songe : il me semblait être mort et couché dans un cercueil, près de ma fille. Et je voyais dans les airs la Madone assise et chantant avec accompagnement d’orgue, et une procession de petits hommes descendait vers moi. Je me levai et je vis quatre ours ; l’un d’eux me regardait en face, et moi je le regardais aussi ; sur la tête il avait des raies noires. Alors je m’éveillai et je racontai mon songe à ma femme ; elle répondit que tout irait bien parce que je m’étais levé en rêve. Durant la journée, quelques