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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/232

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devait chanter voulait qu’on lui rappelât deux ou trois paroles du cantique de Noël, qu’il avait oubliées ; le premier chantre venait s’informer de l’ordre des cérémonies et des chants ; un bon vieux qui avait fumé sa pipe quelques instants auparavant, demandait s’il pouvait communier à minuit ; et une foule d’autres questions du même genre. C’était un vrai tourment pour le missionnaire, fatigué par les prédications de la neuvaine et par trois jours entiers de confessions ; mais pour moi c’était une vraie joie de voir tant de foi, de simplicité et de confiance dans le Père. Enfin à 11 h. on alluma le feu sur la place, et on se serait cru en plein jour. Les Indiens s’assemblèrent autour et les chefs se mirent chacun à leur parler de la fête. La nuit était très froide et, bien que le sol fût couvert de plus de deux pieds de neige, personne n’y prenait garde, tous semblaient jouir de la solennité et écoutaient avec plaisir les discours des chefs. Je contemplais tout cela de la porte de l’église et de temps en temps je m’approchais du feu pour me réchauffer. Les discours finis, la cloche sonna et le peuple rentra en bel ordre dans l’église. À un nouveau signal, on salua d’une décharge générale la naissance du Rédempteur, et le Gloria in excelsis Deo, alternant avec des couplets en langue indienne, retentit harmonieusement dans la gracieuse petite église, changée en un vrai paradis sur terre. Après le Gloria, et comme il était près de minuit, à un nouveau signal de la cloche, on tira une nouvelle salve, et la grand’messe commença. J’y pris part comme maître des cérémonies, et je dirigeai les évolutions d’une demi-douzaine de petits enfants de chœur indiens. Les chantres entonnèrent un très solennel Kyrie que je n’avais jamais entendu et que toute l’assemblée reprenait en chœur. Cette musique aurait plu dans n’importe quelle