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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/46

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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

pent, comme d’une chaudière en ébullition, des tourbillons fumants de poussière d’eau. Je mentionne seulement pour mémoire cette course à Colville. Autrement intéressante fut l’excursion que je fis quelques jours après dans la Réserve des Cœurs d’Alêne à Desmet. Ainsi se nomme le village central de la mission en souvenir du vénéré P. de Smet, l’apôtre des tribus indiennes de l’Amérique septentrionale. J’allais enfin voir de près nos chers sauvages. Disons tout d’abord que les choses ont bien changé depuis le P. de Smedt. À cette époque (1840), les Indiens parcouraient encore en toute liberté les immenses régions de l’Ouest, et transportaient leurs pénates partout où les menait leur vie vagabonde. Maintenant que les Blancs ont pénétré jusqu’au Pacifique, et que les troupes des États-Unis ont dispersé leurs dernières bandes armées, les Indiens sont cantonnés dans les territoires nettement délimités que l’on appelle des Réserves. Chacune de ces Réserves est grande en moyenne comme un de nos grands départements français ; celle des Cœurs d’Alêne, pour 500 Indiens (exactement 492), renferme 590.000 arpents de terre labourable et de forêts, qui leur appartiennent de plein droit. Les Indiens doivent habiter dans la Réserve, où ils sont gouvernés par un agent du gouvernement fédéral ; ils peuvent cependant voyager comme il leur plaît, chasser ou pêcher hors de la Réserve, mais à condition d’y rentrer sans trop de retard.

On comprend que cette vie à demi civilisée, ce contact des Blancs ait adouci singulièrement les mœurs de nos sauvages. Leur vêtement même s’est modifié, et ce n’est que dans les grandes solennités que l’on voit encore parfois reparaître ces costumes étranges, ces visages barbouillés de rouge ainsi décrits par le P. de Smedt  : « Les hommes