Aller au contenu

Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

coulant entre deux chaînes de collines grises et raboteuses, sans le moindre brin de verdure, sans le moindre arbuste. Je ne pus m’empêcher de penser à la vallée du Rhône, que j’avais parcourue quelque temps auparavant, et le contraste de cette triste région avec les splendeurs pittoresques de notre beau fleuve français me causa, je l’avoue, un brusque accès de nostalgie.

La nuit était tombée quand nous arrivâmes à la gare de Pendleton. Le P. Neate, curé de la paroisse, nous y attendait avec son cabriolet, dans lequel nous montâmes, et quelques instants après nous étions au presbytère. Pendleton est une petite ville (4 à 5000 âmes) bâtie toute en bois, sur les bords de la rivière Umatilla ; il s’y trouve cependant quelques beaux édifices en pierre ou en brique, entre autres l’hôpital catholique et le pensionnat tenu par des Sœurs allemandes. C’est une des rares paroisses desservies par nos Pères en dehors des Réserves. L’église et le presbytère, brûlés complètement il y a quelques années, furent rebâtis par un Français, le P. Victor Garrand.

À une petite distance de la ville s’ouvre la Réserve des Nez-Percés, à laquelle on a donné le nom de la rivière qui la traverse, l’Umatilla. C’est au centre de cette Réserve, à la mission Saint-André, que j’allais et dès le lendemain de notre arrivée, le P. Ragaru, qui avait charge de cette mission, vint me chercher à Pendleton. Je le vois encore, descendant de sa voiture, venir à nous dans le jardin, vêtu d’un gros tricot de laine, qu’il avait conservé de son costume de missionnaire d’Alaska. Après le dîner il fit ferrer ses chevaux et m’emmena à travers des chemins défoncés et une mer de boue. Plus nous approchions, plus le pays devenait triste et même lugubre : un sol uniformément gris ou noir, sans le moin-