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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/90

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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

faire leur razzia. Pendant la soirée, au moment où tous les esprits sont concentrés sur le jeu, la porte s’ouvre brusquement  ; plusieurs hommes masqués pénètrent à l’intérieur et braquent d’énormes revolvers sur les joueurs épouvantés. «  Levez les mains, leur crient-ils, et alignez-vous tous contre le mur  ». Les malheureux sont bien forcés d’obéir, et tandis qu’une moitié de la bande les tient en respect, l’autre moitié ramasse vivement les billets de banque et l’argent qui se trouvent sur les tables et vident la caisse  ; puis, se tournant vers les victimes, ils leur disent d’un ton railleur : «  Vous devez être bien fatigués de tenir vos bras en l’air  ; cependant restez encore ainsi quelques minutes, pendant que nous allons nous éclipser  ; sachez bien que si l’un de vous bouge un instant trop tôt ou pousse le moindre cri, nous lui trouons la peau.  » Et ils sortent sans que personne ait le courage de les poursuivre ni même de donner l’alarme.

Lors de mes premières visites je disais la messe dans une salle de danse, chaude encore des ébats de la veille  ; plus tard une école neuve ayant été construite, je pus m’en servir comme de chapelle. Mais ce fut toujours pour moi un gros embarras dans cette localité de trouver un endroit sûr pour y passer la nuit. Un jour même j’eus une aventure fort désagréable. J’étais descendu dans la maison d’un Irlandais que j’appellerai Patrick ou par abréviation Patt. Malheureusement Patt était un ivrogne invétéré, et bien qu’on lui eût dit que le prêtre catholique devait loger chez lui, il l’avait oublié lorsqu’il rentra la nuit suivante à une heure du matin. J’occupais la chambre du rez-de-chaussée donnant sur la rue. Au moment de me coucher, je m’apprêtais à fermer la porte à clef, lorsque sa femme me dit : «  Ne fermez pas  ; je ne sais pas à quelle heure il rentrera  ; il faut qu’il trouve la