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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/92

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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

ou par les cris rauques de l’ivrogne. Aussitôt que le jour parut, je sortis en toute hâte de cette maison, et me retrouvai avec bonheur libre dans la rue.

Outre la difficulté de trouver un gîte pour la nuit, j’avais d’autres désagréments à Saltese. En hiver c’était la neige qui tombait en quantités énormes. Je me souviens qu’une année on dut, pour traverser la rue, ouvrir une tranchée entre deux parois de neige de six pieds de hauteur. En été c’étaient les incendies de forêts  ; un soir même le feu s’étant déclaré aux deux extrémités du vallon, on dut préparer un train et tenir une locomotive sous pression pour s’échapper la nuit si l’incendie se propageait davantage. Cette nuit-là je ne dormis guère, mais heureusement le vent ayant tourné, nous en fûmes quittes pour la peur.

J’ai dit plus haut que dans cette région les mœurs sont dissolues et brutales, et qu’il s’y commet nombre de crimes. N’y a-t-il donc pas de police par là  ? me direz-vous. Il y a bien un policeman en titre, mais il est loin de suffire à la tâche. Lorsqu’il se commet un attentat quelconque, on téléphone au shérif de Missoula, qui envoie par le premier train un de ses députés  ; si le bandit est en fuite, le député-shérif organise aussitôt la chasse à l’homme  ; il réunit cinq ou six bons tireurs, leur fait prêter serment et se lance avec eux à la poursuite du malfaiteur. Si celui-ci résiste et se défend, on le tue comme un chien  ; mais d’ordinaire on réussit à se saisir de lui et on l’amène prisonnier au chef-lieu du comté. S’il est dangereux, on l’enferme dans une cage de fer à claires-voies, où il attendra la sentence du juge. Dans le cas d’une condamnation à mort, il est pendu dans l’enceinte même de la prison.

Je me souviens d’un assassin condamné à mort, qui