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Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/16

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V
PROLOGUE

entraîné par ce qu’il dit, l’orateur a malgré lui élevé la voix ou ne s’est pas aperçu de votre présence. Et quels sons étranges résonnent alors à vos oreilles : « Le roi… Il fit couper la tête… Il devint seigneur de… »

Ce sont des histoires qu’il conte à ses jeunes auditeurs, histoires émouvantes, parfois lugubres, qui les font délicieusement frissonner.

Que l’on ne s’imagine pas que ce spectacle soit unique ou particulier à telle impasse du vieux Bruxelles. Non.

C’est une habitude des enfants des anciens quartiers, dernier reste peut-être des veillées de famille ou produit du besoin de satisfaire à l’imagination, si vive chez le peuple. Parcourez les ruelles avoisinant la rue Haute, la rue de Schaerbeek : vous y verrez, les soirs d’été, des groupes de jeunes gens de dix à quinze ans, plus âgés même, accroupis sur les marches d’un escalier de pierre, écoutant attentivement un des leurs qui conte, par le menu, les aventures extraordinaires, mais véridiques, d’Uilenspiegel, de Robert le Diable et surtout de Cartouche et de Mandrin. Car ces derniers préoccupent tout spécialement l’esprit des auditeurs ; ce sont leurs aventures, certifiées exactes sur sa tête par le narrateur, qu’ils réclament ; c’est leur vie, leurs exploits qu’ils veulent connaître. Ils tremblent