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Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/193

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LÉGENDES BRUXELLOISES

livrant au glaive du bourreau l’élite de la noblesse ; citant devant le Bloedraed les présents, les absents, les vivants, les morts même ; ne s’inquiétant ni du rang, ni de la richesse de ses victimes ; confisquant leurs biens, rasant leurs demeures, insensible aux cris, aux larmes, aux supplications des femmes et des enfants ; faisant brûler la langue à ceux qui avaient médit de lui malgré sa défense, avant de les céder aux flammes qui devaient les dévorer tout vivants ; ignorant du caractère de nos ancêtres ; méconnaissant les anciens privilèges des bonnes villes et les franchises de leurs habitants ; levant des impôts injustes malgré les réclamations des magistrats ; pillant les villes, ruinant et dépeuplant le pays, couvrant de débris une contrée riche, prospère, heureuse, que jalousaient les souverains étrangers ; étendant comme un voile rouge et noir sur notre patrie en deuil ; tuant, torturant, pendant, brûlant, pillant, saccageant, au nom d’un Dieu de paix et de bonté ; accomplissant sa sinistre besogne sans qu’un remords effleurât son cœur, sans qu’un sanglot lui montât aux lèvres, sans qu’un frisson lui parcourût les membres, tel fut Ferdinand Alvarez de Tolède, duc d’Albe, marquis de Coria, gouvernant les provinces héréditaires des Pays-Bas pour Sa Majesté Philippe II, roi catholique d’Espagne.