Aller au contenu

Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
LÉGENDES BRUXELLOISES

Soudain, les six jeunes gens aperçurent une maison du rez-de-chaussée de laquelle s’échappait certaine clarté. Ils approchèrent prudemment. La fenêtre était ouverte — on était à la fin de mai — une petite lumière éclairait la chambre. Au milieu de la pièce, un homme en chemise, les bras en l’air, bâillait à se décrocher la mâchoire.

Le porteur du balai ne dit mot : il trempa prestement son… outil dans la couleur et, d’un geste brusque, il l’envoya dans la figure de l’individu, subitement transformé en nègre, qui cessa aussitôt de bâiller, et pour cause.

— Malheureux ! s’écria un de ses compagnons, c’est Vargas !

— Diable ! je ne l’avais pas reconnu.

— Fuyons ! dirent les autres.

En un instant, ils disparurent.

Jean Vargas était l’un des collaborateurs les plus assidus du duc d’Albe[1]. On conçoit que la frayeur donnait des ailes à nos étourdis.

Mais Vargas les poursuivait avec sa tête toute noire et… un mousquet, tempêtant, crachant, jurant comme un païen, toujours en chemise.

Les six jeunes gens n’avaient garde de ralentir leur course. Être pris, c’était mourir : le feu, le fer,

  1. Voir page 183