Aller au contenu

Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LÉGENDES BRUXELLOISES

pauvre sire si méchamment tué par Herman, son prisonnier, la colère me monte au cœur. Et quand je vois que tous les biens que possédaient mes pères sont perdus et nous sont étrangers maintenant, fils, alors, la douleur m'accable. C'est mon droit, j'estime. Je suis issu de grande et noble famille et les terres des miens ne m'appartiennent plus. Hélas!…

— Père, vivez en paix et n'ayez, pour ceci, nulle colère. Nous sommes arrivés nus sur terre et nus nous retournerons à la terre. N'attristez donc pas ces seigneurs.

Reprend le comte :

— Je ne veux pas les attrister et cependant j'ai peine en mon cœur.

— Laissez aller les choses, père ; à quoi bon ces soucis ? Toutes ces terres me reviendront ; je les reconquerrai, elles que possédaient mes ancêtres ; je les reconquerrai, si Dieu me prête vie, quand bien même l'Empereur les eût encore une fois données !

— Tais-toi, fils, dit le père, tu es trop jeune pour cela. Et trop courts sont les poils de ta barbe pour parler avec tant de hardiesse.

Alors, Godefroid, qui sentait que son père se voulait jouer de lui, puisqu'il n'avait que douze ans et pas l'ombre d'un poil au menton, répondit, comme un homme au cœur :

— Père et vous, seigneurs, entendez-moi bien. Je