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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/121

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Au soleil et dans les ténèbres,
En tous lieux ses ailes funèbres
Me couvrent comme un noir manteau ;
De mes douleurs ses bras avides
M’enlacent ; et ses mains livides
Sur mon cœur tiennent le couteau.

J’ai jeté ma vie aux délices,
Je souris à la volupté ;
Et les insensés, mes complices
Admirent ma félicité.
Moi-même, crédule à ma joie,
J’enivre mon cœur, je me noie
Aux torrents d’un riant orgueil ;
Mais le Malheur devant ma face
A passé : le rire s’efface,
Et mon front a repris son deuil.

En vain je redemande aux fêtes
Leurs premiers éblouissements,
De mon cœur les molles défaites
Et les vagues enchantements :
Le spectre se mêle à la danse ;
Retombant avec la cadence,
Il tache le sol de ses pleurs,
Et de mes yeux trompant l’attente,
Passe sa tête dégoûtante
Parmi des fronts ornés de fleurs.