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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/158

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Le signal est donné, l’archet frémit encore :
Elancez-vous, liez ces pas nouveaux
Que l’Anglais inventa, nœuds chers à Terpsichore,
Qui d’une molle chaîne imitent les anneaux.

Dansez, un soir encore usez de votre vie :
L’étincelante nuit d’un long jour est suivie ;
A l’orchestre brillant le silence fatal
Succède, et les dégoûts aux doux propos du bal.
Ah ! reculez le jour où, surveillantes mères,
Vous saurez du berceau les angoisses amères :
Car, dès que de l’enfant le cri s’est élevé,
Adieu, plaisir, long voile à demi relevé,
Et parure éclatante, et beaux joyaux des fêtes,
Et le soir, en passant, les riantes conquêtes
Sous les ormes, le soir, aux heures de l’amour,
Quand les feux suspendus ont rallumé le jour.
Mais, aux yeux maternels, les veilles inquiètes
Ne manquèrent jamais, ni les peines muettes
Que dédaigne l’époux, que l’enfant méconnaît,
Et dont le souvenir dans les songes renaît.
Ainsi, toute au berceau qui la tient asservie,
La mère avec ses pleurs voit s’écouler sa vie.
Rappelez les plaisirs, ils fuiront votre voix,
Et leurs chaînes de fleurs se rompront sous vos doigts.