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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/198

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Ce mal qui le tuera, regarde en bas, et voi.
Derrière eux s’est groupée une famille forte[1]
Qui les ronge et du pied pile leur œuvre morte,
Écrase les débris qu’a faits la Liberté,
Y roule le niveau qu’on nomme Égalité,
Et veut les mettre en cendre, afin que pour sa tête
L’homme n’ait d’autre abri que celui qu’elle apprête ;
Et c’est un temple : un temple immense, universel,
Où l’homme n’offrira ni l’encens, ni le sel,
Ni le sang, ni le pain, ni le vin, ni l’hostie,
Mais son temps et sa vie en œuvre convertie,
Mais son amour de tous, son abnégation
De lui, de l’héritage et de la nation.
Seuls, sans père et sans fils, soumis à la parole,
L’union est son but et le travail son rôle,
Et, selon celui-là qui parle après Jésus,
Tous seront appelés et tous seront élus.
— Ainsi tout est osé ! Tu vois, pas de statue
D’homme, de roi, de Dieu, qui ne soit abattue,
Mutilée à la pierre et rayée au couteau,
Démembrée à la hache et broyée au marteau !
Or ou plomb, tout métal est plongé dans la braise,
Et jeté pour refondre en l’ardente fournaise.
Tout brûle, craque, fume et coule ; tout cela
Se tord, s’unit, se fend, tombe là, sort de là,
Cela siffle et murmure ou gémit ; cela crie,
Cela chante, cela sonne, se parle et prie ;

  1. L’école Saint-Simonienne