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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/202

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Et je n’en connais pas. Si la force divine
Est en ceux dont l’esprit sent, prévoit et devine,
Elle est ici. — Le Ciel la révère. — Et sur nous
L’ange exterminateur frapperait à genoux,
Et sa main, à la fois flamboyante et timide,
Tremblerait de commettre un second déicide.
Mais abaissons nos yeux, et n’allons pas chercher
Si ce que nous voyons est nuage ou rocher.
Descendons et quittons cette imposante cime
D’où l’esprit voit un rêve et le corps un abîme.
— Je ne sais d’assurés, dans le chaos du sort,
Que deux points seulement, LA SOUFFRANCE ET LA MORT.
Tous les hommes y vont avec toutes les villes.
Mais les cendres, je crois, ne sont jamais stériles.
Si celles de Paris un jour sur ton chemin
Se trouvent, pèse-les, et prends-nous dans ta main,
Et, voyant à la place une rase campagne,
Dis : « Le volcan a fait éclater sa montagne ! »
Pense au triple labeur que je t’ai révélé,
Et songe qu’au-dessus de ceux dont j’ai parlé
Il en fut de meilleurs et de plus purs encore,
Rares parmi tous ceux dont leur temps se décore,
Que la foule admirait et blâmait à moitié,
Des hommes pleins d’amour, de doute et de pitié,
Qui disaient : Je ne sais, des choses de la vie,
Dont le pouvoir ou l’or ne fut jamais l’envie,
Et qui, par dévouement, sans détourner les yeux,
Burent jusqu’à la lie un calice odieux.
— Ensuite, Voyageur, tu quitteras l’enceinte,