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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/90

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Telle Sodome a vu cette femme imprudente
Frappée au jour où Dieu versa la pluie ardente,
Et, brûlant d’un seul feu deux peuples détestés,
Eteignit leurs palais dans des flots empestés :
Elle voulut, bravant la céleste défense,
Voir une fois encor les lieux de son enfance,
Ou peut-être, écoutant un cœur ambitieux,
Surprendre d’un regard le grand secret des Cieux ;
Mais son pied tout à coup, à la fuite inhabile,
Se fixe, elle pâlit sous un sel immobile,
Et le juste vieillard, en marchant vers Ségor,
N’entendit plus ses pas qu’il écoutait encor.

Tel est le front glacé de la Juive infidèle.
Mais quel est cet enfant qui parait auprès d’elle ?
Il voit des pleurs, il pleure, et, d’un geste incertain,
Demande, comme hier, le baiser du matin.
Sur ses pieds chancelants il s’avance, et, timide,
De sa mère ose enfin presser la joue humide.
Qu’un baiser serait doux ! elle veut l’essayer ;
Mais l’époux, dans le fils, la revient effrayer ;
Devant ce lit, ces murs et ces voûtes sacrées,
Du secret conjugal encore pénétrées,
Où vient de retentir un amour criminel,
Hélas ! elle rougit de l’amour maternel,