Aller au contenu

Page:Vigny - Œuvres complètes, Stello, Lemerre, 1884.djvu/449

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sait se ployer aux affaires publiques, combattre à la tribune, et, dans les armistices, reprendre les chants et les écrits destinés à l’avenir.

Plusieurs portent ainsi un glaive dans chaque main, mais il sera donné à bien peu d’en porter deux d’une trempe égale.

Durant le cours de leur vie, la nation, émue et reconnaissante de ce grand tablent que forment ses hommes supérieurs, recueille le bien qui lui vient d’eux, et ne cherche point à distinguer leur vocation native de leurs qualités acquises. Mais, après eux, elle sent unanimement et comme d’elle-même quelle était la nature véritable de chacun, elle le sent par ce même instinct merveilleux qui fait que dans les théâtres, un parterre, même inculte, s’il voit passer le vrai et le beau, jette, sans savoir pourquoi, un seul cri de cette voix qui semble véritablement alors la voix de Dieu.

Heureux est notre pays, qui produit si souvent des hommes tels que l’on n’a d’autre embarras que de distinguer quel fut le plus grand de leurs mérites, et lequel en eux l’emporta de ces éléments précieux si étroitement fondus en une seule puissance intellectuelle.

Mais si ce jugement définitif n’appartient qu’à une postérité éloignée, il reste au moins à tout homme qui étudie avec indépendance et conscience l’esprit de son temps, le droit modeste