Aller au contenu

Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les Turcs tombent alors vaincus ; les deux amans
D’un pied triomphateur foulaient ces corps fumans.
Comme on voit d’un volcan le feu long-temps esclave
Tonner, couler, descendre en une ardente lave,
Et, confondant les rocs et les toits arrachés
Aux cadavres brûlants des chênes desséchés,
Renouveler le Styx pour les tremblantes plaines,
Tels marchaient après eux les rapides Hellènes.
Leurs bras rassasiés, désœuvrés de martyrs,
Arrachaient en passant quelques derniers soupirs ;
Mais leurs yeux et leurs pas tendaient vers la fumée
Qui roulait en flots noirs sur l’église enflammée.
Là tombaient des chrétiens au pied de leur autel ;
On entendait le cri sans voir le coup mortel,
Car l’incendie en vain éclairait tant de crimes :
Les portes dérobaient et bourreaux et victimes.
On les frappe à grand bruit. Calme comme un vainqueur,
Mora pressait alors Héléna sur son cœur.
« Viens, disait-il, viens voir la maison paternelle,
« Puisque ses murs quittés te font si criminelle ;
« C’est là ta seule peine. Allons, viens avec moi,
« Le vainqueur amoureux va supplier pour toi ;