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Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/75

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ménalque.

Si le fier léopard, que les jeunes Sylvains
Attachent rugissant au char du Dieu des vins,
Voit amener au loin l’inquiète tigresse
Que les Faunes, troublés par la joyeuse ivresse,
N’ont pas su dérober à ses regards brûlans,
Il s’arrête, il s’agite, et de ses cris roulans
Les bois sont ébranlés ; de sa gueule béante,
L’écume coule en flots sur une langue ardente :
Furieux, il bondit, il brise ses liens,
Et le collier d’ivoire et les jougs Phrygiens ;
Il part, et dans les champs qu’écrasent ses caresses,
Prodigue à ses amours de fougueuses tendresses.
Ainsi, quand tu descends des cimes de nos bois,
Ida ! lorsque j’entends ta voix, ta jeune voix
Annoncer par des chants la fête bacchanale,
Je laisse les troupeaux, la bêche matinale,
Et la vigne et la gerbe où mes jours sont liés :
Je pars, je cours, je tombe et je brûle à tes pieds.