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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/153

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quittai brusquement pour monter. Je ne savais vraiment où j’allais, mais j’allais comme une balle qu’on a lancée violemment.

« Hélas ! me disais-je en gravissant au hasard l’étroit escalier, hélas ! quel sera l’Esprit révélateur qui daignera jamais descendre du ciel pour apprendre aux sages à quels signes ils peuvent deviner les vrais sentiments d’une femme quelconque pour l’homme qui la domine secrètement ? Au premier abord, on sent bien quelle est la puissance qui pèse sur son âme, mais qui devinera jamais jusqu’à quel degré cette femme est possédée ? Qui osera interpréter hardiment ses actions et qui pourra, dès le premier coup d’œil, savoir le secours qu’il convient d’apporter à ses douleurs ? Chère Kitty ! me disais-je (car en ce moment je me sentais pour elle l’amour qu’avait pour Phèdre sa nourrice, son excellente nourrice, dont le sein frémissait des passions dévorantes de la fille qu’elle avait allaitée), chère Kitty ! pensais-je que ne m’avez-vous dit : Il est mon amant ? J’aurais pu nouer avec lui une utile et conciliante amitié ; j’aurais pu parvenir à sonder les plaies inconnues de son cœur ; j’aurais…