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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/170

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Ah ! je sens en mon âme une ineffable pitié pour ces glorieux pauvres dont vous avez vu l’agonie, et rien ne m’arrête dans ma tendresse pour ces morts bien-aimés.

J’en vois, hélas ! d’aussi malheureux qui prennent de diverses sortes leur destinée amère. Il y en a chez qui le chagrin devient bouffonnerie et grosse gaieté ; ce sont les plus tristes à mes yeux. Il y en a d’autres à qui le désespoir tourne sur le cœur. Il les rend méchants. Eh ! sont-ils bien coupables de l’être ?

En vérité, je vous le dis : l’homme a rarement tort, et l’ordre social toujours. — Quiconque y est traité comme Gilbert et Chatterton, qu’il frappe, qu’il frappe partout ! — Je sens pour lui (s’attaquerait-il à moi-même) l’attendrissement d’une mère pour son fils atteint injustement dans son berceau d’une maladie douloureuse et incurable.

Frappe-moi, mon fils, dit-elle, mords-moi, pauvre innocent ! tu n’as rien fait de mal pour mériter de tant souffrir ! — Mords mon sein, cela te soulagera ! — Mords, enfant, cela fait du bien ! »