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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/182

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et patiente que rien ne détournera de leurs cadavres jusqu’à ce que nous y ayons tout observé, jusqu’aux os du squelette.

Il n’y a pas d’année qui ait fait autant de théories sur ces hommes que n’en fait cette année 1832 en un seul de ses jours, parce qu’il n’y a pas d’époque où plus grand nombre de gens ait nourri plus d’espérances et amassé plus de probabilités de leur ressembler et de les imiter.

C’est en effet une chose toute commode aux médiocrités qu’un temps de révolution. Alors que le beuglement de la voix étouffe l’expression pure de la pensée, que la hauteur de la taille est plus prisée que la grandeur du caractère, que la harangue sur la borne fait taire l’éloquence à la tribune, que l’injure des feuilles publiques voile momentanément la sagesse durable des livres ; quand un scandale de la rue fait une petite gloire et un petit nom ; quand les ambitieux centenaires feignent, pour les piper, d’écouter les écoliers imberbes qui les endoctrinent ; quand l’enfant se guinde sur le bout du pied pour prêcher les hommes ; quand les grands noms sont secoués pêle-mêle dans des sacs de boue, et tirés à la loterie populaire par la main des pamphlétaires ; quand