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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/204

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saluai comme lorsqu’on fait à quelqu’un les honneurs d’une chambre à coucher.

« Je crains, ajoutai-je, que vous n’y soyez pas commodément ; pourtant j’y ai déjà logé six personnes l’une après l’autre. »

C’était ma foi vrai.

Mon bonhomme prit, lorsqu’il fut seul avec moi, un air tout différent de sa première façon d’être. Il se grandit et se mit à son aise : je vis un beau vieillard, moins voûté, plus digne, mais toujours pâle. Sur mes assurances qu’il ne risquait rien et pouvait parler, il osa s’asseoir et respirer.

« Monsieur, me dit-il en baissant les yeux pour se remettre et s’efforcer de reprendre la dignité de son rang, monsieur, je veux sur-le-champ vous mettre au fait de ma personne et de ma visite. Je suis monsieur de Chénier. J’ai deux fils qui, malheureusement, on assez mal tourné : ils ont tous deux donné dans la révolution. L’un est représentant, j’en gémirai toute ma vie, c’est le plus mauvais ; l’aîné est en prison,