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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/274

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lois ! que, puisqu’il est écrit que jamais une épée n’étincellera dans mes mains, il me reste ma plume, mon cher trésor ! que, si je vis un jour encore, ce sera pour cracher sur leurs noms, pour chanter leur supplice qui viendra bientôt, pour hâter le triple fouet déjà levé sur ces triumvirs, et que je vous ai dit cela au milieu de mille autres moutons comme moi, qui, pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, seront servis au peuple-roi. »

Aux éclats de sa voix, les prisonniers s’étaient assemblés autour de lui, comme autour du bélier les moutons du troupeau malheureux auquel il les comparait. Un incroyable changement s’était fait en lui. Il me parut avoir grandi tout à coup, l’indignation avait doublé ses yeux et ses regards ; il était beau.

Je me tournai du côté de M. de Lagarde, officier aux gardes-françaises. « Le sang est trop ardent aux veines de cette famille, dis-je ; je ne puis réussir à l’empêcher de couler. »

En même temps je me levai en haussant les épaules et me retirai à quelques pas.