Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/309

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« Je voudrais vous donner ceci à lire avant de vous parler de ma santé, dit-il, et en causer avec vous. Vous connaissez mon amitié pour l’auteur. C’est un projet de Saint-Just. Vous verrez. Je l’attends ce matin ; nous en causerons. Il doit être arrivé à Paris à présent, ajouta-t-il en tirant sa montre ; je vais le savoir. Asseyez-vous, et lisez ceci. Je reviendrai. »

Il me donna un gros cahier, chargé d’une écriture hardie et hâtée, et sortit brusquement, comme s’il se fût enfui. Je tenais le cahier, mais je regardais la porte par laquelle il était sorti, et je réfléchissais à lui. Je le connaissais de longue date. Aujourd’hui je le voyais étrangement inquiet. Il allait entreprendre quelque chose ou craignait quelque entreprise. J’entrevis, dans la chambre où il passait, des figures d’agents secrets que j’avais vues plusieurs fois à ma suite, et je remarquai un bruit de pas, comme de gens qui montaient et descendaient sans cesse depuis mon arrivée. Les voix étaient très basses. J’essayai d’entendre, mais vainement, et je renonçai à écouter. J’avoue que j’étais plus près de la crainte que de la confiance. Je voulus sortir de la chambre