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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/360

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Il était navré de douleur, il ne parlait plus que pour hâter le renversement de Robespierre, de Saint-Just et de Couthon. Il ne vivait plus que de cette idée. Je m’y livrai comme lui, comme lui je me cachai. J’étais partout, excepté chez moi. Quand Joseph Chénier se rendait à la Convention, il entrait et sortait entouré d’amis et de représentants auxquels on n’osait toucher. Une fois dehors, on le faisait disparaître, et la troupe même des espions de Robespierre, la plus subtile volée de sauterelles qui jamais se soit abattue sur Paris comme une plaie, ne put trouver sa trace. La tête d’André Chénier dépendait d’une question de temps.

Il s’agissait de savoir ce qui mûrirait le plus vite, ou la colère de Robespierre ou la colère des conjurés. Dès la première nuit qui suivit cette triste scène, du 5 au 6 Thermidor, nous visitâmes tous ceux qu’on nomma depuis thermidoriens, tous, depuis Tallien jusqu’à Barras, depuis Lecointre jusqu’à Vadier. Nous les unissions d’intention sans les rassembler. — Chacun était décidé, mais tous ne l’étaient pas.

Je revins triste. Voici le résultat de ce que j’avais vu :