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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/405

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s’il eût été en état d’instruire et de perfectionner les hommes, et non un inutile chanteur, comme il était, (incapable même, ajoute-t-il, d’empêcher Créophile, son ami, d’être gourmand, ô niaiserie antique !), on ne l’eût pas laissé mendier pieds nus, mais on l’eût estimé, honoré et servi autant que Protagoras d’Abdère et Prodicus de Céos, sages philosophes, portés en triomphe partout.

— Dieu tout-puissant ! s’écria Stello, qu’est-ce, je vous prie, à présent, pour nous autres, que les honorables Protagoras et Prodicus, tandis que tout vieillard, tout homme et tout enfant adorent en pleurant le divin Homère ?

— Ah ! ah ! reprit le Docteur, les yeux animés par un triomphe désespérant, vous voyez donc qu’il n’y a pas plus de pitié pour les Poètes parmi les philosophes que parmi les hommes du Pouvoir. Ils se tiennent tous la main, en foulant les arts sous les pieds.

— Oui, je le sens, dit Stello, pâle et agité, mais quelle en est donc la cause impérissable ?