Aller au contenu

Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mendier pour lui ? Vous en avait-il prié ? N’avait-il pas souffert en silence jusqu’au moment où la Folie secoua ses grelots dans sa pauvre tête ? S’il avait soutenu pendant toute sa jeunesse l’âpre dignité de son caractère ; s’il avait pendant une vingtaine d’années singé l’aisance et la fortune par orgueil et pour ne rien demander, vous lui aurez fait perdre en une heure toute la fierté de sa vie. C’est une mauvaise action, Docteur, et je ne voudrais pas l’avoir faite pour tous les jours qui me restent encore à subir. Je la mets au rang des plus mauvaises (et il y en a un grand nombre) que n’atteignent pas le lois, comme celle de tromper les dernières volontés d’un mourant illustre et de vendre ou de brûler ses Mémoires, quand son dernier regard les a caressés comme une partie de lui-même qui allait rester sur la terre après lui, quand son dernier souffle les a bénis et consacrés. — Vous avez trahi ce jeune homme lorsque vous avez quêté pour lui l’aumône d’un roi insouciant. — Pauvre enfant ! lorsqu’il avait des lueurs de raison, lorsque ses yeux étaient fermés (selon votre expérience), il pouvait, se sentant mourir, se féliciter de la pudeur de sa pauvreté, s’