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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/79

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le râle avec son enrouement caverneux : je reconnus la mort à ce bruit, comme un marin expérimenté reconnaît la tempête au petit sifflement du vent qui la précède.

« Tu viendras donc toujours la même avec tous ? dis-je à la Mort, assez bas pour que mes lèvres ne fissent aux oreilles du mourant qu’un bourdonnement incertain. Je te reconnais partout à ta voix creuse que tu prêtes au jeune et au vieux. Ah ! comme je te connais, toi et tes terreurs qui n’en sont plus pour moi ; je sens la poussière que tes ailes secouent dans l’air ; en approchant, j’en respire l’odeur fade, et j’en vois voler la cendre pâle, imperceptible aux yeux des autres hommes. — Te voilà bien, l’Inévitable, c’est bien toi ! — Tu viens sauver cet homme de la Douleur ; prends-le dans tes bras comme un enfant, et emporte-le. Sauve-le, je te le donne : sauve-le de la dévorante douleur qui nous accompagne sans cesse sur la terre jusqu’à ce que nous reposions en toi, bienfaisante amie ! »

C’était elle, je ne me trompais pas ; car le malade cessa de souffrir, et jouit tout à coup de ce