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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/96

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Je sortis en soupirant, la première fois que je vis ce petit manège, parce que cela me gâtait l’idée de ma paisible et vertueuse Kitty ; et puis vous savez que jamais un homme ne voit ou ne croit voir le bonheur d’un autre homme auprès d’une femme sans le trouver haïssable, n’eût-il nulle prétention pour lui-même… La seconde fois je sortis en souriant ; je m’applaudissais de ma finesse pour avoir deviné cela, tandis que tous les gros Lords et les longues Ladies sortaient sans avoir rien découvert. La troisième fois je m’y intéressai, et je me sentis un tel désir de recevoir la confidence de ce joli petit secret, que je crois que je serais devenu complice de tous les crimes de la famille d’Agamemnon, si Kitty Bell m’eût dit : « Oui, monsieur, c’est cela même. »

Mais non, Kitty Bell ne me disait rien. Toujours paisible, toujours placide comme au sortir du prêche, elle ne daignait pas même me regarder avec embarras, comme pour me dire : Je suis sûre que vous êtes un homme trop bien élevé et trop délicat pour en rien dire ; je voudrais bien que vous n’eussiez rien vu ; il est bien mal à vous de rester si tard chaque jour. Elle ne