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Page:Vigny - Théâtre, II, éd. Baldensperger, 1927.djvu/340

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THÉÂTRE.

LE QUAKER, à part.

Il veut le tuer à petit feu.

CHATTERTON.

Rien de plus vrai, je le vois aujourd’hui, milord.

M. BECKFORD.

Votre histoire est celle de mille jeunes gens ; vous n’avez rien pu faire que vos maudits vers, et à quoi sont-ils bons, je vous prie ? Je vous parle en père, moi, à quoi sont-ils bons ? — Un bon Anglais doit être utile au pays. — Voyons un peu, quelle idée vous faites-vous de nos devoirs, à tous tant que nous sommes ?

CHATTERTON, à part.

Pour elle ! pour elle ! je boirai le calice jusqu’à la lie. (Haut.) Je crois les comprendre, milord. — L’Angleterre est un vaisseau. Notre île en a la forme : la proue tournée au nord, elle est comme à l’ancre, au milieu des mers, surveillant le continent. Sans cesse elle tire de ses flancs d’autres vaisseaux faits à son image, et qui vont la représenter sur toutes les côtes du monde. Mais c’est à bord du grand navire qu’est notre ouvrage à tous. Le Roi, les Lords, les Communes sont au pavillon, au gouvernail et à la boussole ; nous autres, nous devons tous avoir les mains aux cordages, monter aux mâts, tendre les voiles et charger les canons : nous sommes tous de l’équipage, et nul n’est inutile dans la manœuvre de notre glorieux navire.