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Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/27

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porte on se croit aujourd’hui le même qu’hier, et puis, avec une succession d’aujourd’hui, mis au bout l’un de l’autre, on se trouve un jour un homme tout différent ; on est passé de la jeunesse à l’âge viril, de la maturité à la vieillesse. La même chose a lieu dans ce développement progressif des peuples ; ils ne s’aperçoivent pas d’abord qu’ils changent, qu’ils descendent, qu’ils dérivent ; et puis tout à coup ils se trouvent ailleurs. Au milieu du xie siècle, l’Europe latine n’était plus ce qu’elle avait été avant Charlemagne ; mais pour déclarer ce mouvement, et lui donner une énergie créatrice, il fallait ce qui avait manqué depuis Charlemagne, et ce qui vint alors, des grands hommes, des hommes qui changent l’esprit des nations, ou qui l’adoptent et le poussent, en leur disant ce qu’elles croient, et leur faisant faire ce qu’ils veulent. Il en parut trois de conditions fort diverses, un pape, un brigand et un roi Grégoire VII, Robert Guiscard et Guillaume le Conquérant.

Il faut nous occuper d’eux, avant de revenir aux troubadours. De ces hommes, le premier, parce qu’il agit de toute la puissance de la pensée, c’est Grégoire VII. Robert Guiscard n’est qu’un bras héroïque conduit par un génie aventurier. Guillaume le Conquérant, son nom dit